jeudi 1 novembre 2012
La lettre du GCCG « Hors série N° 2 Novembre 2012 »
Ainsi se terminait la précédente lettre :
La crise économique que nous connaissons est peut-être
simplement due au fait que beaucoup sont restés dans la caverne, et si certains
s’y sont enrichis, ils n’en sont que plus pauvres…. Mais ceci sera le sujet de
la prochaine lettre.
Socrate, cité par Platon dans
« Apologie de Socrate », nous dit,
"Je n'ai nul souci de ce dont se soucient la plupart des gens : affaires
d'argent, administration des biens, charges de stratège, succès oratoires en
public, magistratures, coalitions, factions politiques. Je ne suis pas engagé dans cette voie... mais dans celle où, à
chacun de vous en particulier, je ferai le plus grand bien en essayant de le
persuader de se préoccuper moins de ce
qu'il a que de ce qu'il est, pour se rendre aussi excellent et raisonnable
que possible."
In fine, une personne se résume à ce qu’elle est, non à ce qu’elle possède; les
sages savent que le bonheur véritable est dans l’être, non dans
« l’avoir ». Pour autant les repères que la plupart des gens construisent
sont souvent fondés sur les possessions, plus que sur les actions et les
comportements.
Loin de moi l’idée selon laquelle on
devrait de haillons se vêtir et ne rien posséder. L’amélioration du niveau de
vie a pour corollaire le confort, et l’on n’a pas à vivre comme l’homme des
cavernes pour aller vers l’excellence. En revanche, évaluer la pauvreté sur de
seules considérations pécuniaires est aussi inepte qu’ignare.
Friedrich Nietzsche, dans « Humain,
trop humain » nous dit que "La
fortune ne devrait être possédée que par les gens d'esprit : autrement, elle
représente un danger public." Il se pourrait bien qu’il ait raison,
lorsque l’on voit les dégâts occasionnés par des buses (qui se croient aigles) fortunées,
et notamment les « spéculateurs », chantres de l’épicaricacie, cette
tendance à se réjouir du malheur d’autrui.
L’Entreprise devrait-elle comme une
personne s’évaluer sur ce qu’elle est et non ce qu’elle possède ? Son
bilan humain devrait-il commander son bilan financier ? Si tel était le
cas, combien d’entreprises auraient un bon bilan?
Le manager devrait-il, comme
Socrate, essayer de se préoccuper moins de ce qu'il a que de ce qu'il est, et de faire
de même pour autrui, pour que chacun se
rende aussi excellent et raisonnable que possible ?
Ainsi les symboles de statut,
souvent dispendieux, seraient-ils relégués au rang du superfétatoire, ce qui
pourrait-être un premier bénéfice pour l’essaim, mais aussi les priorités se
trouveraient changées.
Quelques épineux sujets récurrents
dans la gestion des hommes de l’Entreprise pourraient trouver des solutions intègres,
par exemple :
L’absentéisme. "Le matin, quand il te coûte de te réveiller, aie cette pensée
sous la main : c'est pour faire oeuvre d'homme que je m'éveille." Marc Aurelle, Pensées pour
moi-même.
Dévastateur économique,
l’absentéisme est aussi un déprédateur social. Combien de jours d’absence sont
dus à la « démotivation », génératrice de désolidarisation, de désabusement,
de défection. N’est-il pas à l’opposé de l’excellence et du raisonnable ?
Je parle ici bien sûr du « petit absentéisme », celui qui est autant
le signe d’une compensation personnelle qu’une sanction contre le management déshumanisé.
Il est aisé de le condamner, mais n’est-il pas simplement l’indice d’un
management embrumé ? N’est-il pas concevable qu’un salarié qui aimerait
son travail, son emploi, sa situation professionnelle, qui aurait le sentiment
non seulement d’être utile, mais qui dans son emploi développerait ses
compétences n’aurait aucune raison de « tirer au flanc » ou d’être
« démotivé » ?
La Performance : "Jamais on obtient de meilleurs résultats que lorsque tout le monde
trouve son compte dans une affaire." Euripide.
L’évaluation individuelle de la performance accompagnée des règles absurdes
de distribution forcée (Courbe de Gauss imposée : pas plus de x% de
bonnes performances, pas moins de x% de mauvaises performances, tout le monde
réparti autour de la moyenne), n’est-elle pas le plus sûr moyen d’abaisser la performance collective, mais
aussi l’estime de soi, de son travail de son utilité ? Comment les
collaborateurs d’une entreprise pourraient-ils trouver leur compte dans cette
affaire lorsque leurs managers doivent obéir à une règle alogique, médiocrement
arithmétique, qui les contraint à la mauvaise foi, la relativisation incertaine
? Comment les managers y trouveraient-ils leur compte ?
Le changement : « Que la force me soit donnée de
supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être,
mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre». Marc-Aurèle.
Combien d’hommes et de femmes font
du changement un ennemi permanent au lieu d’un allié sûr ? Un triste
amalgame est souvent fait entre changement et précarité, comme si le bien-être
ne fleurissait que dans la stabilité. Mais aussi combien ont une pénible
expérience du changement, tant il est souvent lié à l’arbitraire et à la
contrainte, même lorsqu’il est la solution et l’amélioration.
L’approche philosophique fondée sur
le respect des hommes, leur accompagnement vers l’excellence par la
connaissance, la raison, la liberté, l’autonomie, est de nature à transformer
les solutions pour faire de ces trois exemples des opportunités de s’enrichir
mutuellement, et bien au-delà des aspects financiers.
"Apprends que c'est le manque de souplesse, le plus souvent, qui nous
fait trébucher." Sophocle, dans Antigone. La rigueur des convictions
et des process aura fait plonger bien plus d’Entreprises que la souplesse des
managers. Dans Œdipe Roi, Sophocle rappelle que "Ce qu'on cherche, on peut le trouver ; mais ce qu'on néglige nous
échappe."
Cordialement,
Gérard Carton
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